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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 07:51

 Malheureusement, je ne vais pas vous parler de dégustations de Latour 61 ou Mouton 45 car ces vins là, je ne les ai pas dégustés et je pense ne jamais avoir l'occasion de le faire.

 

Si je vous parle dégustation aujourd'hui, c'est pour tout autre chose.

Depuis quelques semaines, j'avais prévu d'écrire ce billet, mais le temps passe trop vite et la vigne nous a demandé tellement d'attention que je n'ai pas pris les quelques minutes nécessaires à la réalisation de ce texte.

 

En effet, depuis quelques années, nous avons pris l'habitude de déguster des fleurs de vigne. Etrange pratique me direz-vous. Mais c'est tout à fait sérieux.

 

Nous avions entendu parler de cette technique mais nous la jugions folklorique, voire farfelue. Puis, lors de notre évolution vers cette viticulture du "ressenti" nous avons éprouvé le besoin d'essayer.

Et là, ce fut une véritable révélation pour nous. Le terroir s'exprime vraiment dans les fleurs.

Finalement, c'est assez logique.

Au-delà de la simple constatation, nous avons cherché quel bénéfice nous pourrions tirer de cette découverte, ou plutôt de cette constatation.

Nous avons donc procédé scientifiquement. D'abord, nous avons vérifié la corrélation entre les impressions olfactives de grappes de diverses zones du vignoble et les caractéristiques gustatives des vins qui y sont produits.

Nous avons constaté que la "noblesse" du terroir s'exprime à la fois dans l'intensité et la complexité aromatique des fleurs et dans la qualité du vin.

 

A partir de là, on avait donc une technique très fine de zonage de notre terroir.

 

Effectivement, on est très loin de la carte pédologique qui trône souvent en bonne place dans les salles de dégustation de domaines viticoles et qui ne sert à rien ou presque car personne ne sait vraiment la lire et le lien entre les informations qu'elle contient et la qualité du vin est parfois difficile à faire.

 

Nous nous intéressons avant tout à la réalité concrète du terroir.

Malheureusement, pour pouvoir apprécier les caractéristiques gustatives générées par chaque micro-zone grâce à une vinification, il faut un volume de vendange minimal pour remplir une cuve.

Les micro-vinifications ne sont jamais à comparer avec une vinification en taille réelle car les extractions ne sont pas les mêmes ou la maitrise des températures n'est pas aussi bonne.

Chez nous, il est possible de vinifier dans des très petites cuves de 20, 10 et même 6 hl. Mais, même dans ces conditions, c'est encore trop important pour pouvoir se faire une idée du niveau qualitatif d'une zone de quelques dizaines de m2.


Avec la dégustation de fleurs, cela devient possible. On peut même "descendre" au niveau du pied de vigne si on le souhaite.

 

Certes, on ne redécouvre pas tout chaque année. On garde l'expérience acquise mais on tente de l'améliorer par des dégustations supplémentaires.

 

La finalité de l'opération est de connaître le plus précisément possible à quel endroit de la parcelle le terroir change au point de changer le vin. Bien-sûr, on en a déjà une idée mais notre connaissance reste approximative quand elle ne se base par exemple, que sur un changement de couleur ou de texture du sol.


Pour procéder, il y a quand même une règle fondamentale : centraliser toutes les grappes au même endroit. Je ne suis pas capable de mémoriser une senteur à un endroit puis me rendre dans un autre lieu et me souvenir parfaitement de l'odeur pour la comparer avec une autre.

 

Donc, comme dans le cas de contrôle de maturité, j'utilise des sacs congélation. Je mets 3 ou 4 grappes d'une même zone dans un sac.

 

Lorsque j'ai collecté des grappes dans toutes les zones, je les place devant moi. Puis je sens chaque lot et le compare aux autres, comme dans le cas d'une dégustation de vins.

A ce moment là, on peut noter de grandes différences entre certaines origines. Deux lots identiques ou très voisins nous font penser que les terroirs sont très proches qualitativement.

Dans le cas contraire, on en déduit qu'il est préférable de séparer la vendange des différentes zones.

 

Grace à cette technique toute simple, gratuite et finalement très logique, j'ai pu augmenter la précision de la connaissance de mes différents terroirs.

Cela explique pourquoi je demande aux vendangeurs de commencer à tel pied dans le rang ou de laisser de côté tel autre rang de la parcelle.


En faisant cela, je n'ai pas l'impression de tout savoir sur mon vignoble. J'ai le sentiment d'avoir progressé, mais je me dis aussi qu'il y a sûrement encore beaucoup de choses à découvrir.

 

Steiner disait qu'il faut être "clair sentant".

 

Je m'y emploie un peu plus tous les jours avec force et modestie.

 

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commentaires

C
Très étonnant cette technique, que j'avoue découvrir par ce billet.<br /> En somme vous appliquez les tries sélectives que pratiquent les vignerons en liquoreux, enfin le raccourcis est rapide, mais l'objectif est le même, rentrer une vendange de qualité, sélectionnée et respectueuse du ou plutot des terroirs de votre exploitation.<br /> Bravo, si en plus les conditions climatiques le permettent, le résultat ne peut qu'aller dans le sens de la qualité.
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le blog de Corinne Comme

En créant ce blog,  je souhaite faire partager une certaine approche de notre métier de vigneron afin de réhabiliter le mot « paysan ». Au-delà de son rôle dans la production de denrées alimentaires, il doit aussi être le gardien d’un savoir ancestral et faire le lien entre la nature, les animaux et l’humanité. Il est l’observateur et le garant des grands équilibres de la vie. C’est une tache prenante et passionnante qui s’accompagne de joies, de peines et de moments de doutes.

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