Une fois n’est pas coutume, nous avions pris quelques jours de vacances avec des amis. Mais comme on ne se refait pas, on était allé visiter des vignobles et déguster des vins.
Nous étions en Bourgogne.
C’était la deuxième fois que nous nous y rendions. La fois précédente, nous étions encore étudiants. N’étant pas mariée à Jean-Michel, je n’avais pas encore épousé la vigne. La vigne ne m’intéressait pas vraiment et seule la dégustation du vin avait quelque crédit à mes yeux.
Nous y avions été très bien reçus, avec générosité par des vignerons soucieux de partager le fruit de leur travail avec ses deux étudiants bordelais sans argent. C’était, il y a 25 ans !
Cette fois-ci, il s’agissait autant de passer de bons moments entre amis que de visiter des caves car étant les seuls professionnels d’un groupe de 14 personnes, dont une bonne moitié d’américains, il était difficile de demander à faire le tour des vignes, voir le matériel,…Bref, faire le vigneron en ballade chez d’autres vignerons.
Qu’importe, cette partie non-réalisée sera pour une prochaine fois.
Le programme prévoyait diverses visites avec deux points culminants, les domaines Leroy et Domaine de le Romanée Conti.
Ce qui est marrant dans notre société moderne, c’est qu’on peut penser connaitre les gens connus sans jamais les avoir rencontrés. On sait ce qu’ils pensent, on connait leur voix, leurs goûts, leurs mimiques,…
Ce fût un peu le cas avec Aubert de Villaine qui nous a reçus dans son beau domaine.
En descendant les marches du chai, j’ai eu une pensée pour tous les millions d’amateurs de vin dans le monde qui n’auront jamais l’opportunité de connaitre ces endroits deux fois millénaires.
Au-delà, du caractère viticole à proprement parler, il y a des endroits spéciaux, des endroits particuliers. Ils inspirent notre corps et notre âme sans qu’on puisse vraiment décrire ce que l’on ressent. En général, ils sont connus et reconnus depuis longtemps et les implantations humaines s’y sont succédées les unes sur les autres, une religion ou croyance y remplaçant une autre.
Je pense que Romanée-Conti fait partie de ces endroits. Cela donne une dimension supplémentaire aux vins qui y sont produits.
Cependant, le temps fort parmi les temps forts de cette semaine restera la visite des Domaines Leroy. Peut-être aussi parce que Lalou Bize-Leroy a une approche de la vigne dans laquelle nous nous reconnaissons. L'an dernier, Jean-Michel a eu la chance de la recevoir longuement à Pontet-Canet. Ce fut un privilège et un honneur pour le vigneron qu’il est. Je l’envie toujours avec une pointe de jalousie.
Dans notre esprit, elle reste la plus grande vigneronne de France.
La dégustation de ses vins n’ont fait que confirmer notre point de vue.
Dans le groupe que nous étions, d’âge, de sexe ou d’histoire variés, personne n’est resté insensible dans sa chair. Beaucoup ont été émus. Pour Jean-Michel, l’émotion a bien dû faire place à quelques larmes. De mon côté, j’ai été retournée, fière d’être là et consciente de vivre un grand moment de dégustation.
Depuis des années, Jean-Michel cite à qui veut l’entendre la phrase magique de Michel Bettane : « Le Domaine Leroy rappellent à tous la marge existante entre le très bon et le grand ».
Effectivement, les vins que nous avons dégustés ont permis de faire le constant que l’essentiel des vins produits sur Terre ne sont qu’au mieux de très bons vins. Et que pour prétendre au grand, il faut amener l’émotion au dégustateur.
Et ça, c’est très rare.
Ce qui fait que dans le monde, il y a quelques grands vins et puis il y a tous les autres.