Cela fait 3 semaines que je n’ai pas donné de nouvelles de
notre petit domaine. Pourtant, j’existais encore. Jean-Michel et moi avons profité de la trêve estivale pour aller voir du côté de la Californie et de ses vignobles.
Nous ne sommes pas partis autant de temps, mais au retour, la réalité nous a rattrapés et il a fallu s’occuper de choses très
matérielles avant de raconter ma vie.
Maintenant que le rythme normal revient, me revoilà donc ici-même.
Je n’étais jamais allée en Californie. J’avais vécu cette région par l’intermédiaire d’un séjour d’étudiant que Jean-Michel y avait
fait il y a bien longtemps à l’occasion d’un stage.
Nous avons essayé de voir les différents maillons de la chaine jusqu’au consommateur final et sans oublier le sacro-saint
oeno-tourisme ; planche de salut espéré pour bon nombre de vignerons hexagonaux désœuvrés.
On a l’habitude de dire que l’Amérique est un pays jeune. C’est aussi vrai pour sa viticulture, même dans une région aussi
prestigieuse que la Napa Valley. La diversité des écartements et des modes de conduite témoigne de cette recherche d’une voie. Dans notre vision biodynamique, c’est un peu l’époque de
l’adolescence, celle où on s’essaye à tout sans ligne directrice précise.
Par rapport au premier séjour de Jean-Michel, il semble que beaucoup de progrès ait été fait.
Mais il reste encore beaucoup de vignes larges en « parasol », c'est-à-dire en cordeau retombant, sans fil de levage et
surtout sans que les raisins n’aient jamais vu le soleil jusqu’à leur transport vers les chais.
Là-bas comme ailleurs, il n’y a pas que des grands vignerons !

On voit cependant une diversité incroyable de systèmes de conduite qui cohabitent, souvent au sein d’un même domaine. Les personnes rencontrées n’ont pas d’idée très précise sur la ligne à tenir pour les futures plantations.

Nous avons eu l’opportunité de faire des dégustations de vins de terroirs différents et vinifiés par la même personne. Comme partout,
le terroir s’est fait sentir avec des différentes marquées d’un vin à l’autre.
Comme souvent ou presque toujours, les tuyaux d’irrigation suivent les rangs. Je reste totalement hostile à cette technique qui est un
reniement du terroir. Nous avons visité un domaine qui pratique la culture sèche, sans irrigation. Pour les autres, la question ne semble même pas s’être posée alors que certaines zones
pourraient très bien se passer d’eau extérieure. Une révolution culturelle met du temps à se faire et je suis persuadée qu’elle se fera au moins chez certains leaders.
Pour y arriver, il faudrait prendre un peu de recul sur les pratiques, les densités de plantation et aussi les zones dans lesquelles
on plante. Il y a tellement d’endroits propices à la vigne dans le monde qu’il parait aberrant de l’installer justement dans des zones où elle ne peut pas pousser seule, sans aide humaine.
En ayant débordé un peu plus loin en Californie, on a pu constater que le problème de la gestion de l’eau se pose en termes très crus
et pratiques. Les réserves sont presque à sec, c'est-à-dire à moins de 10% de leur capacité. Et des slogans aperçus ça et là au bord de la route,
font la preuve que le débat est ouvert. C’est toute la différence qu’il y a entre le développement et le durable. Certains veulent nous faire croire qu’on peut avoir les deux. Mais dans la
pratique, l’un joue souvent contre l’autre !
Enfin, la réglementation qui régit la viticulture locale doit tenir dans une seule feuille. La Californie est inscrite dans une
démarche de préservation de l’environnement. A ce titre, on ne peut pas faire n’importe quoi quand on veut planter ; et c’est tout à fait normal. Mais sorti de cette contrainte, on fait ce
que l’on veut.
Dans ce pays libéral, c’est le marché qui fait la différence et qui permet de dire ce qui doit être conservé et ce qui doit
disparaitre. Chez nous c’est un peu la même chose sur le rôle du marché, mais entre temps, on maintient hors de l’eau des choses qui sont de toutes les façons condamnées et plus on attend, plus
la chute est sévère.
On plante ce qu’on veut où on veut. Et on assume ses choix. C’est tout simple et finalement tellement plus logique.
Si ça se trouve, dans 3 siècles, ils en seront rendus au même stade que nous avec des règlementations nombreuses, croisées,
antagonistes, démotivantes et étouffantes… et finalement peu dissuasives pour les fraudeurs.
Suite au prochain numéro…