J’ai vécu les journées les plus éprouvantes de toutes les vendanges car quand on est arrivé à un moment de pleine activité dans le
chai alors que les vendanges nécessitaient toujours autant de temps.
Pour les blancs, le chai était encore vide et donc les journées étaient longues mais uniquement tournées vers la récolte et le
tri ; sans oublier le nettoyage des machines qui « pèse » quand même au moins deux heures par jour.
Lorsque le Merlot est arrivé, les blancs avaient commencé à fermenter et ils vivaient leur vie, seuls ou presque.
Le temps que les cuves de Merlot entrent en fermentation, plusieurs jours se sont
passés. Ainsi, on avait fini de récolter ce cépage.
Puis sont arrivées les vendanges des Cabernets et du Petit-Verdot. Mais là, il y avait en plus les cuves de Merlot qui fermentaient et
qui demandaient plusieurs heures d’attention (sinon de travail) par jour.
Dans ces moments-là, ma journée type commence à 4h30 du matin. C’est le moment des remontages et du travail sur les cuves. Que
celles-ci soient petites ou grandes, il faut toujours autant de temps pour brancher et débrancher les tuyaux, vider et laver les pompes,…
Tout doit être à peu près fini pour 7h-7h30 car c’est l’heure de mettre les installations en « configuration » réception de
vendange. Il faut être prêt à partir à la vigne avant 8 heures.
Puis c’est une demi-journée de vendange.
A midi, il y a le tri des cagettes remplies dans la matinée, puis un nettoyage sommaire des machines.
C’est le moment de vérifier toutes les cuves et de faire des remontages en avalant péniblement quelques bouchées de nourriture.
Puis, il y a les vendanges de l’après-midi dans les parcelles.
Le soir, de nouveau tapis de tri. Mais là, il y a le nettoyage complet des machines.
Cela nous amène à 20 heures si tout va bien.
Enfin, pour la fin de soirée, il y a les remontages du soir.
Une fois de plus, le repas n’est pas pris sur une belle table bien dressée…
Si tout va bien pour les cuves, la journée de travail se termine vers 22 heures ; souvent plus tard.
Heureusement, une telle activité ne dure que quelques jours. Mais c’est déjà assez pour fatiguer durablement le corps.
Parfois, il m’arrive de penser aux remarques de certains amis, responsables de grands domaines prestigieux et qui pensent que nous
avons beaucoup de chance d’avoir notre propre vignoble. Ces gens là, habitués à disposer de moyens matériels et humains presque sans limite, n’imaginent pas la vie des petits viticulteurs. Ils
n’en voient que la face la plus noble, celle qui consiste à avoir son nom sur des bouteilles de vin.
Maintenant, il reste encore tout le travail de vinification. Les journées sont moins pénibles.
Pourtant, même si notre corps s’en souvient, notre tête et notre cœur oublient vite. C’est un peu comme un accouchement. On a
horriblement mal sur le moment, mais le seul fait de voir le bébé dissipe instantanément les douleurs.
Dans le cas présent, il s’agit d’un beau bébé. Et comme toutes les mamans du monde, je suis persuadée qu’il est le plus beau de
tous.