Nous avons récolté hier les dernières parcelles de Merlot. Une fois de plus, l’état sanitaire parfait rimait avec de beaux degrés et un équilibre magnifique des jus.
Après une année 2008 marquée par le gel et la coulure, les rendements sont confortables malgré la qualité de la récolte.
C’est donc du bonheur dans le cœur de la vigneronne que je suis.
Mais ces vendanges ont un prix pour mon pauvre corps. Je ne compte plus les bleus sur les membres. Heureusement, je n’ai ni prévu d’aller sur la plage ni même de faire un défilé de haute couture.
Mes les bleus ne sont rien comparés aux douleurs que je ressens dans les coudes, les poignets et les mains.
Depuis plus de 10 ans, je souffre du mal de notre époque que l’on appelle pompeusement « troubles musculo-squelettiques » ; c'est-à-dire tendinites et syndrome du canal carpien pour ce qui me concerne.
A une époque, je n’avais pas encore intégré le fait que les choses doivent se raisonner dans leur globalité, aussi bien pour la vigne que pour le corps. J’avais donc suivi les conseils des médecins et accepté de me faire opérer ; deux poignets et un coude. Pour le dernier coude, j’avais entre-temps changé de philosophie de vie ; j’ai donc toujours refusé la proposition du scalpel.
On n’a jamais trouvé ou même cherché la vraie raison de l’explosion de ces problèmes. On opère les gens à la chaine, sans se poser de question. Notre société est ainsi…
Pour ma part, je n’ai jamais constaté d’amélioration, j’ai toujours aussi mal.
A chaque coup de sécateur, c’est un nouveau supplice. Tous les gestes dans le chai sont eux aussi la cause de douleurs.
J’ai appris à vivre avec en espérant qu’un jour, on trouve la raison logique et obligatoirement simple de ces maux.
Heureusement, en voyant couler ce jus sucré qui contient un peu de mon âme et de mon sang, mes larmes de douleur se transforment bien souvent en larmes de bonheur.