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19 janvier 2013 6 19 /01 /janvier /2013 14:14

On a vu que le vin peut générer de l’émotion si les pratiques culturales permettent à la vigne de pouvoir accéder à ce niveau de subtilité.

Durant son cycle, la vigne doit normalement connaitre deux phases successives, la phase juvénile et la phase d’identité.

A son niveau à lui, l’homme possède aussi dans son cycle de vie deux périodes importantes avec deux traits de caractère antagonistes. Schématiquement, c’est justement l’émotion et la conscience.

La phase d’émotion nous vient des animaux. C’est un peu l’action par la pulsion, par l’instinct de survie,…

La conscience est le propre de l’homme par rapport aux animaux. Il a la capacité de dépasser le stade de l’émotion pour analyser les situations y compris en intégrant le passé et le futur. Ainsi, il peut prendre les décisions adaptées, réfléchies.


Dans sa phase juvénile, l’homme en devenir agit surtout dans l’émotion. Le bébé qui a faim pleure et est incapable de se raisonner.

L’adolescent ne sait pas vraiment qui il est et adopte donc la personnalité d’autres personnes, chanteurs, musiciens, sportifs,… Ses références changent dans le temps car le jeune est dans l’émotion, dans l’instant. C’est le goût du moment, sinon de l’instant, qui devient la référence pour lui.

 

Puis, progressivement, il trouve son identité. Il apprend aussi à gérer son émotion. Il entre dans la phase de conscience. Il acquiert l’ « âge de raison ». Il sait de plus en plus qui il aime et pourquoi.

 

Tout comme la vigne, l’homme peut conserver des attitudes de sa phase juvénile, c’est-à-dire agir dans l’émotion, alors que son âge lui permet d’être dans la conscience.

Les exemples sont multiples et variés. L’accro aux machines à sous qui ne peut pas se raisonner, le gourmand qui ne sait pas résister à une sucrerie, l’achat dont on n’a pas besoin, la parole méchante qu’on lance dans un moment de colère avant de la regretter,…

 

Chez les politiques aussi, l’émotion est un moteur important de l’action politique alors que la première qualité d’un homme d’état serait au contraire d’agir en conscience. On ne compte plus les lois élaborées dans l’action du moment, dans l’émotion, pour faire suite à un fait divers. C’est tout le contraire de la raison. L’émotion est d’ailleurs un des principaux outils et un terreau de la vie politique actuelle. L’hyper-communication ne fait qu’amplifier le phénomène.

L’actualité nous donne un nouvel exemple de décision politique dans l’émotion avec le départ en guerre de notre pays, sans avoir visiblement évalué toutes les composantes de la situation !

 

De même, dans beaucoup de cas, les néo-vignerons ont connu des sorts malheureux tout simplement car ils n’avaient vu de ce métier que la face noble, celle du vin que l’on fait et dont on n’a qu’à parler avec poésie pour qu’il se vende et qu’il se vende cher.
Si ces gens-là n’avaient pas été dans l’émotion au moment de prendre la décision d’acheter un domaine, une simple calculette de première génération leur aurait montré que leur projet était mort-né car non rentable dans n’importe quel scénario.

Difficile parfois de faire ressurgir la nécessaire conscience dans la décision que l’on doit prendre.

 

Et le vin dans tout ça ?

Lui aussi va dépendre du degré d’émotion contenu dans les décisions du vigneron. Quand on a la possibilité de regarder vers l’arrière, on voit un grand nombre d’idées surgir et être suivies, avant de disparaitre. Ces idées, ces modes d’un moment sont autant de leviers qui vont orienter le vin. Ce dernier se trouve modifié par des décisions, des choix techniques dont beaucoup ne sont pas pris en conscience, après un raisonnement dans l’intérêt du vin et par rapport à la vision idéale que l’on a pour lui. Ces orientations sont au contraire prises dans l’émotion en fonction d’un discours entendu ou de la réussite d’un exemple croisé ailleurs.

 

Ces vins créés dans l’émotion ne peuvent pas vraiment devenir des grands vins car il manque une ligne directrice au vigneron. La vigne le ressent à sa manière et produit alors un vin imparfait ; c’est-à-dire un vin qui peut être un bon vin mais pas un grand vin, de ceux peuvent générer de l’émotion au moment de la dégustation.

 

Autrement dit, pour qu’un dégustateur ressente de l’émotion en dégustant un vin, il faut que le vigneron qui a élaboré ce vin n’ait pas été dans l’émotion…

Bougrement compliqué !

 

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le blog de Corinne Comme

En créant ce blog,  je souhaite faire partager une certaine approche de notre métier de vigneron afin de réhabiliter le mot « paysan ». Au-delà de son rôle dans la production de denrées alimentaires, il doit aussi être le gardien d’un savoir ancestral et faire le lien entre la nature, les animaux et l’humanité. Il est l’observateur et le garant des grands équilibres de la vie. C’est une tache prenante et passionnante qui s’accompagne de joies, de peines et de moments de doutes.

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