Lors d'une promenade, mon regard a été attiré par une plantation nouvelle dans laquelle le sol m'a paru
particulièrement propre. C'était louche...
En m'approchant, j'ai très vite compris que la parcelle a été désherbée chimiquement dès que les plants ont
été mis en place. Depuis, avec l'arrivée du printemps, ces ceps de vigne en devenir tentent de pousser mais ils sont contaminés par le poison qui a été répandu pour leur
rendre les abords plus "propres" sans effort.
J'ai donc pu en faire quelques clichés.
J'en conviens, on a mal pour eux.
En comparaison, les plants mis en terre cette année chez nous respirent la bonne santé. La différence entre
les deux vient avant tout d'un manque d'amour dans la vigne et dans ce métier si particulier.
En voyant ces pauvres pieds pollués; je me suis souvenue des premières plantations faites après la reprise de notre
domaine.
Toujours par manque de moyen, les chantiers ont été réalisés par nous, surtout Jean-Michel et moi pendant
des week-ends de folie car Jean-Michel était occupé la semaine à Pontet-Canet.
Il me faut pas oublier que les plantations sont faites à une période où la vigne pousse et nécessite une
attention de tous les instants. Il fallait tout faire en peu de temps; deux jours voire trois jours, arrosage compris. Au début, on plantait en pots car les prix étaient
légèrement inférieurs et chaque sou économisé était pour moi une bénédiction avant d'être une nécessité, même si par la suite il y avait beaucoup plus de travail avec ce type de plant. Notre
travail manuel n'était pas payant, donc le choix était vite fait...
A l'arrivée du pépiniériste, le hangar et la vieille grange se transformaient en prairie verte avec les
milliers de petits pots et leur petite tige. Chaque plant était chouchouté, manipulé avec une infinie précaution car il représentait pour nous de l'argent et aussi la
base de tous nos espoirs.
Le transport des caisses à l'intérieur de la parcelle était en partie fait par Thomas et Laure, alors jeunes
enfants. Eux aussi, ressentaient à travers nous, l'importance de leur mission et la nécessité de soins.
Puis après la plantation, il fallait arroser. Là aussi, le sérieux était de mise.
Avec mon tuyau à la main derrière la cuve d'eau, j'avais l'impression de faire du bien à chaque plant. Mais, je devais être généreuse de la même façon avec tous, pour ne pas risquer d'en
affaiblir certains en manquant d'attention pendant quelques secondes.
Vers, la fin du week-end, on regardait nos montres pour évaluer s'il y avait encore assez de temps pour
parfaire l'arrosage surtout dans les zones les plus caillouteuses. J'inspectais au pas de course les rangs avec l'angoisse de me trouver confrontée à une feuille flétrie, premier signe d'une
agonie rapide. Certes, ici tout allait bien, mais était-ce la même chose dix mètres plus loin ?
Puis, sales et courbatus après ces quelques jours de travail qui restent marqués à jamais dans nos corps,
nous repartions satisfaits du travail accompli, mais aussi l'angoisse au ventre.
Il nous tardait une chose, revenir le plus vite possible pour vérifier que tout allait bien. Parfois, un
plant n'avait pas supporté sa nouvelle vie et était mort en quelques jours.
Cela constituait une déchirure pour moi ou plutôt une aiguille dans le
cœur.
Enfin, lorsque ça et là, de nouvelles feuilles commençaient à apparaître, la tension baissait un peu. La
plantation était "prise".
Pour en revenir aux photos, vous comprenez donc, que même si ce n'est pas chez moi, j'ai toujours mal pour
les pauvres petits plants qui ne connaitront que les pesticides toute leur vie. Comment pourraient-ils transmettre la subtilité d'un terroir avec un tel régime? Le besoin de produire moins cher
doit-il toujours primer au point de tremper les plants dans les désherbants?
Pour moi les réponses sont claires, pour d'autres, c'est moins
sûr...